
Persistance des besoins humanitaires liés aux aléas climatiques
La période de février à mai 2022, communément appelée « IMPESHI »1, constitue une période de fortes pluies dans presque toutes les régions naturelles du pays. Selon les experts de l’Institut Géographique du Burundi (IGEBU) corroborant ceux du Centre de prévision et d'applications climatiques (ICPAC) de l’Agence intergouvernementale pour le développement (IGAD) indiquent que les prévisions météorologiques saisonnières pour la planification dans les différents secteurs de la période allant de mars à mai 2022, correspondant à la saison agricole 2022 B au Burundi, les ¾ du pays ont une probabilité élevée d’une pluviométrie excédentaire, supérieure à la normale climatologique , en particulier dans les régions naturelles de Mugamba, Mirwa, Bututsi, Bugesera, une grande partie du Kirimiro, une partie de Buyogoma et une partie de l’Imbo. Par les années antérieures, certaines de ces zones ont été régulièrement affectées par les vents violents, les pluies torrentielles, les inondations causées par la montée des eaux du Lac Tanganyika, le débordement des rivières Rusizi et Kajeke, et le déficit hydrique ainsi que le glissement de terrains. Les experts de l’IGEBU conseillent aux partenaires tant humanitaires que de développement d’intensifier des efforts de réduction et de prévention des risques de catastrophes liés aux phénomènes météorologiques.
Des observations des pluies annoncées par l’IGEEBU, le constat est qu’au mois de mars, les pluies ont été de tendance modérée. Les données collectées par les équipes de la Croix Rouge Burundaise (CRB) et de la Displacement Tracking Matrix (DTM) de l’Organisation Internationale pour les migrations (OIM), montrent la tendance à la baisse de la population déplacée sur la période de janvier à mars, 1 792 en 2022, représentant 43% de celle déplacée à la même période en 2021 et 10% de celle de 2020.
Toutefois, la période d’avril à mai constitue celle des pics de pluies au Burundi et on y enregistre un grand nombre de populations affectées et celles déplacées. L’analyse de données sur cette période montre qu’entre 2020 et 2021, le total de la population affectée était de 105 860 (51 528 en 2020 et 54 332 en 2021) et celle déplacée était 45 012 (21 504 en 2020 et 23 508 en 2021). Pendant que ces nombres croissent, certaines des personnes affectées et déplacées l’ont été sur plusieurs années d’où l’appel des experts aux partenaires humanitaires et de développement d’intensifier des efforts de mitigation des impacts des risques et la préparation à répondre aux besoins des personnes qui pourraient être touchées si les prévisions météorologiques annoncées au mois de février 2022 s’accomplissent.
De l’analyse dans le temps et espace des phénomènes météorologiques au Burundi, il est à noter que dans une zone de pluies excédentaires, le déficit hydrique est vécu au même moment. Les cultures ne supportant pas trop de pluies sont impactées, impliquant ainsi un faible rendement de production surtout pour les petits producteurs. Comme aussi le déficit hydrique répétitif occasionne des répercussions importantes sur la productivité, l’adéquation des cultures et la sécurité alimentaire de ces ménages. Ceci a un risque dans le temps de voir de milliers de familles dépendre de l’aide pour les produits alimentaires de base et pousser le gouvernement à importer ces produits.
Les pluies survenues dans les pays limitrophes (RDC et Rwanda) surtout dans leur partie ouest, contribuent à l’augmentation des eaux dans la rivière Rusizi et Lac Tanganyika créant des inondations (grande saison des pluies, montée du lac Tanganyika avril-mai). Déjà avant le pique de pluies, les experts font état du niveau élevé des eaux du Lac Tanganyika.
Des vents violents, pluies torrentielles, la grêle, les glissements de terrains et les inondations enregistrés au mois de mars 2022, la DTM a enregistré 5 678 personnes affectées (1 200 ménages) dont 1 374 déplacées (276 ménages). Les provinces ayant enregistré plus de 300 personnes déplacées étant celles de Cibitoke, Rumonge et Bubanza. Les autorités des provinces de Rumonge et Cibitoke par le canal de la Plateforme Nationale de Gestion des Risques et de Gestion des Catastrophes ont appelé les acteurs humanitaires à assister les populations affectées et déplacées de ces provinces.
La situation dans certains sites des déplacés internes, reste encore préoccupante. A la fin mars, plus de 6 780 personnes, soit 2710 ménages, contre 18 313 personnes en mai 2020, vivent encore dans les sites des déplacés de Kinyinya II (3 362 personnes soit 1328 ménages) et SOBEL (3 422 personnes soit 1382 ménages) exposés aux effets des ventes violents. Ces déplacés vivent dans des conditions très précaires. Malgré le renouvellement d’une partie de leurs abris, ceux-ci risquent d’être emportés et détruits par les pluies d’avril et mai si les prévisions s’accomplissent. Cette saison risque également de causer des maladies respiratoires aux enfants en mal de résistance aux intempéries. Pour le moment, grâce aux fonds CERF de 2020, le site de Kinyinya a un bon accès à l’eau de la REGIDESO tandis qu’à SOBEL, des raccordements frauduleux perturbent son bon approvisionnement en eau. Il est important de noter que les sites de Kinyinya II et SOBEL n’ont pas encore une bonne couverture en latrines et même celles qu’y sont installées sont pleines ou bouchées. Le site de Kinyinya II est situé à un mètre du niveau de la nappe phréatique. Les latrines qui y sont installées courent un grand risque d’inondation en cas de fortes pluies. Pour que les déplacés puissent disposer des latrines accessibles, UNICEF se prépare pour creuser un fossé en profondeur, en y mettant des réservoirs poly tank ayant une capacité de 10 m3 chacun, faciles à vidanger, qui vont retenir un maximum des eaux usées.
Malgré une assistance apportée par les acteurs humanitaires ainsi que le Gouvernement, des défis liés au faible financement persistent et à l’insuffisance des capacités de réponse sectorielle, aussi bien dans l’approvisionnement en vivres et autres articles non alimentaires, ainsi que l’aménagement des latrines. Certains déplacés manquent de moyens pour accéder aux soins spécialisés, l’insuffisance des équipements d’assainissement et hygiène dont les latrines dans tous les sites, certains abris sont usés et ont besoin d’être renouvelés avant l’arrivée de fortes pluies.