Central African Republic

Rapport de situation
Contexte
Le manque d’eau potable est un des défis majeurs pour la population à Batangafo
Le manque d’eau potable est un des défis majeurs pour la population. ©OCHA. Batangafo, Préfecture de l’Ouham, RCA, 2020.

La communauté humanitaire continue de faire face à plusieurs défis à Batangafo

Depuis des années, les habitants de Batangafo dans la Préfecture de l’Ouham au nord-ouest de la Centrafrique sont continuellement menacés par des exactions de la part des groupes armés, notamment des arrestations arbitraires, des braquages et des agressions. En plus, chaque année, la transhumance saisonnière bouleverse l’ensemble de la sous-préfecture en raison des conflits qu’elle génère entre agriculteurs et éleveurs. Quand les bétails des éleveurs transhumants à la recherche de pâturage détruisent les champs, les paysans ripostent souvent en tuant les bétails, ce qui dégénère en affrontements. Les restrictions de mouvement liées à cette insécurité ont des conséquences graves pour les habitants de la région privés d’accès à leurs champs et lieux de commerce pour gagner leurs vies. Ils ne peuvent non plus accéder facilement aux services de santé et aux établissements scolaires, ainsi qu’à l’assistance humanitaire. L’accès des organisations humanitaires dans la région a également été interrompu à plusieurs reprises. La population de Batangafo et ses alentours se retrouve ainsi avec des besoins sans cesse pressants dans tous les secteurs, malgré les efforts des humanitaires. La pandémie de la COVID-19 a davantage dégradé une situation humanitaire déjà précaire. Parmi les personnes les plus touchées par cette crise, on compte environ 35 600 personnes déplacées dans la Sous-préfecture de Batangafo.

Réponse aux problématiques humanitaires majeures

L’accès à l’eau potable et les mauvaises conditions d’hygiène et d’assainissement demeurent parmi les défis importants à Batangafo, notamment sur le site où vivent dans la promiscuité environ 10 000 personnes déplacées. La distanciation physique et les mesures barrières pour limiter la propagation de la COVID-19 restent très difficilement applicables dans ces conditions de surpeuplement, aggravées par l’accès limité à l’eau et au savon. Cependant, les partenaires humanitaires poursuivent des efforts pour améliorer la situation – surtout pendant la crise sanitaire actuelle. Depuis juillet, l’ONG Oxfam a augmenté la capacité de la fourniture en eau. En plus d’un château d’eau, 12 bornes fontaines ont été installées dans les quartiers de retour et les sites des déplacés. La quantité d’eau disponible est ainsi passée de 195 à 225 m3 par jour, ce qui permet à chaque personne de consommer en moyenne 10 litres par jour pour différents besoins. Malgré cette amélioration, la disponibilité d’eau reste bien en deçà du standard de 15 litres par personne dans une situation d’urgence. Pour assurer une meilleure hygiène et éviter la propagation des maladies, les ONG Oxfam et le Conseil danois pour les réfugiés (DRC) ont construit 390 latrines semi-durables sur les différents sites des déplacés. Il reste tout de même une lacune de 282 latrines à construire pour combler les besoins des personnes déplacées. La collecte des ordures dans les sites reste également un défi majeur. Les ONG Oxfam, DRC et Aide d'urgence pour le développement socio-économique de la Centrafrique (AUDESEC) s’organisent pour les évacuer afin d’éviter des engorgements qui peuvent provoquer des inondations et la propagation des maladies, améliorant ainsi l’assainissement sur les sites.

Par ailleurs, le manque d’abris adéquats sur les sites des déplacés reste d’actualité. La dernière distribution des bâches remonte à la crise d’octobre 2018. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) n’en dispose plus pour une large distribution. Cette situation pousse les déplacés à se construire des abris semi-durables. Le manque d’abris ne les expose pas seulement à des conditions inhumaines et aux risques de protection, mais aussi aux maladies, surtout pendant la saison pluvieuse qui a commencé en avril et se poursuit jusqu’en octobre. L’ONG Médecins sans frontières (MSF) assure la prise en charge médicale des survivantes de violences basées sur le genre (VBG) et l’ONG DRC leur propose une assistance psycho-sociale. Entre janvier et juillet, 47 personnes, principalement des femmes, ont déclaré avoir subi des VBG selon l’ONG INTERSOS qui assure le monitoring de protection et le référencement des survivantes à des services adéquats. Cependant, ce chiffre est probablement une sous-estimation si on prend en compte les incidents non rapportés par les victimes par crainte de représailles ou par honte. L'Association des femmes évangélique de Bossangoa (AFEB) s’est quant à elle impliquée dans la protection de l’enfance. Au cours du mois d’août, cette ONG a réunifié 40 enfants de quatre à 17 ans qui ont été séparés d’avec leurs familles suite à la crise dans la région, et réinséré 186 enfants sortis des forces et groupes armés. Les partenaires humanitaires à Batangafo ont également uni leurs forces pour lutter contre la propagation de la COVID-19. Grâce à la mise en place d’un centre d’isolement en mai, le premier cas de COVID-19 diagnostiqué à Batangafo le 14 août a bénéficié d’une prise en charge selon le protocole du Ministère de la santé et de la population. Les contacts du patient sont en train d’être suivis afin d’éviter la propagation du virus. Dans le cadre de la prévention, les partenaires humanitaires sensibilisent la population sur les mesures barrières, par exemple à travers des spots diffusés chaque heure à la radio en français et arabe, dans la langue nationale sango et la langue locale foufouldé. Les organisations humanitaires ont également installé plus de 300 dispositifs de lavage de mains dans les sites des personnes déplacés et dans les écoles.

La sécurité des humanitaires à l’épreuve

L’insécurité dans la ville et ses alentours n’impacte pas seulement la population mais aussi les interventions humanitaires. De janvier à août 2020, 19 incidents affectant directement le personnel ou les biens humanitaires ont été enregistrés. Le 5 août dernier, le seul acteur humanitaire qui appui l’hôpital du district sanitaire de Batangafo-Kabo a dû réduire ses interventions en raison de menaces contre son personnel et seules les interventions d’urgence ont été maintenues. Cette réduction a eu des impacts majeurs sur la population dont les 35 600 personnes déplacées, car l’ONG est le seul partenaire qui appui l’hôpital de Batangafo et qui offre un service de référence dans un rayon de 100 km. Le 19 août, l’organisation a repris ses activités à l'hôpital.

En dépit des patrouilles journalières qui se font par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) dans la ville de Batangafo et sur les trois axes périphériques, la protection de la population civile reste fragile. En outre, la problématique du respect du caractère civil des sites des personnes déplacées persiste. Le site à Batangafo est envahi d’éléments des groupes armés qui y trouvent refuge et sont à la base d’activités criminelles mettant ainsi à risque la sécurité des civils. Les éléments armés commettent des exactions sur les déplacés, procèdent à des arrestations arbitraires et même à des assassinats. La faible présence de l’Etat et l’absence de la chaine judiciaire favorisent l’impunité. En plus de l’insécurité persistante couplée aux contraintes financières des acteurs humanitaires, la dégradation des différents axes qui mènent vers Kabo, Bouca et Ouandago en cette saison de pluies rend l’accès physique et l’acheminement de l’assistance humanitaire encore plus difficiles.

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