Niger

Rapport de situation
Analyse
Map of zone with livestock issues in Niger

Poches d’insécurité alimentaire persistantes en dépit d’une production agropastorale excédentaire

Selon les experts du Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage, la campagne agricole et pastorale 2019 au Niger se présente sous de meilleurs auspices. La large couverture pluviométrique sur la majorité des postes suivis a non seulement favorisé un bon développement des cultures mais a aussi amélioré la couverture en tapis herbacé au profit du cheptel.

Pour les autorités, les pronostics sur les perspectives de récoltes indiquent que dans l’hypothèse d’un arrêt des pluies entre le 15 et le 30 septembre de cette année, les marges de « bonne production » se situent entre 33% et 66%. Ces perspectives sont de bon augure pour le pays qui, faut-il le souligner, a successivement enregistré en 2017 et 2018, des excédents céréaliers.

Ces excédents ont, dans une certaine mesure, impacté la situation alimentaire des ménages avec la disponibilité des céréales sur la plupart des marchés à des prix qui ont connu une légère baisse (mil, sorgho, Niébé) et une stabilité (maïs et riz) comparés à la décade précédente. Par rapport à leur niveau de l’année passée à la même période, tous les prix des céréales ont affiché une baisse respectivement de 25% pour le mil, 20% pour le sorgho, 36% pour le Niébé et 13% pour le maïs.

En dépit de ces bons indicateurs, l’insécurité alimentaire reste un risque pour de nombreux ménages parmi les plus pauvres dont les réserves se sont vite épuisées à cause de la « période de soudure », une période allant de juin à août qui est bien intégrée dans les cycles annuels du pays et qui correspond à une baisse de la production agricole générale. Les conséquences de cette période de soudure ne semblent pas avoir eu d’impact majeur sur les prix des céréales. Toutefois, plusieurs ménages restent dans un niveau de pauvreté élevé et ne disposent pas de moyens financiers leur permettant d’acheter leurs vivres. A cela s’ajoutent les nombreux ménages qui vivent dans les régions de Diffa et de Tillabéri dont l’accès régulier aux ressources alimentaires est confronté à une crise sécuritaire qui perturbe les flux transfrontaliers d’approvisionnement, limitant significativement les transactions et les mouvements des personnes et des produits commerciaux dans ces zones. Ceci a pour conséquences, des déficits alimentaires importants et une détérioration significative des moyens d’existence pour les populations en déplacement forcé et les populations hôtes pauvres.

Cela est bien expliqué aussi par les résultats du Cadre Harmonisé de mars 2019, qui estimaient le nombre de personnes en insécurité alimentaire pendant la période de soudure à 1,2 million de personnes. Les zones les plus concernées par cette crise couvrent les régions de Diffa, Tillabéri et Tahoua, et plus précisément les départements situés dans la zone frontalière avec le Nigeria, le Mali, et le Burkina Faso. Selon les estimations du Plan de réponse humanitaire, en 2019, environ 190 000 personnes dans la zone frontalière Mali/Burkina Faso et 289 000 personnes dans la région de Diffa sont dans le besoin d’une assistance alimentaire.

Cette année, le Plan de Soutien du Gouvernement du Niger, cible 1 170 589 personnes, soit 170 267 ménages en « phase 3 et + » qui bénéficient de distributions gratuites ciblées de cash et de vivres pendant les trois mois de la période de soudure. Il s’agit de ménages qui ne peuvent pas se procurer l’alimentation nécessaire à leurs besoins.

Sur le plan pastoral, l’installation du tapis herbacé sur l’ensemble du pays cache des poches de sécheresse persistantes signalées dans plusieurs zones des régions de Diffa, de Tahoua, de Zinder et de Maradi.

Pour soutenir les éleveurs et leur cheptel, la FAO a déjà livré 3400 tonnes d’aliments bétails courant février et mars 2019 alors que 5000 tonnes de la CCA et 10 000 autres tonnes d’aliments bétails de la GIZ/CAIMA sont en cours de livraison pour des besoins globaux estimés à 15 000 tonnes.

Les excédents enregistrés en 2017 et 2018 au Niger ne suffisent pas donc pour mettre les populations entières de ces régions à l’abri de l’insécurité alimentaire. La réalité est beaucoup plus profonde car l’insécurité alimentaire est liée à plusieurs décennies de crises cumulées et à des facteurs socioculturels qu’une ou deux années de bonne production agropastorale ne suffisent pas à enrayer.

C’est pourquoi des interventions de l’Etat et de ses partenaires restent, bon an, mal an, nécessaires pour alléger les souffrances de nombreux ménages en insécurité alimentaire, dans l’attente qu’une véritable transition de l’humanitaire au développement puisse permettre au moins une harmonisation des conditions d’accès aux produits alimentaires.

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